Texte de rentrée 2009 - 2010

« Collège à bâtir »

Voilà la pancarte installée près du porche qui nous accueillerait à l’entrée du Collège.

Tout hâlé, revigoré, empli de bonne volonté, on voudrait se laisser interpellé et spontanément, on se pencherait pour récolter un bout de pavé.

On laisserait couler le temps, un peu, pour choisir son galet, déterminer sa couleur, palper sa rugosité, humer son odeur, jauger sa pesanteur, apprécier son originalité.

On se prendrait sans doute à philosopher, à remonter la mémoire de ce caillou, à reconstituer son histoire : façonné, sali, glacé, glissant, coloré de confettis, témoin muet de chaque rentrée. L’on se reverrait alors, le foulant, tout petit, accroché à maman ou jeune et fringant, musette en bandoulière ou angoissé avant la première fois, devant tant de gens qui se battent et bâtissent un crayon à la main. On se souviendrait que c’est comme cela que naissent les maisons.

On continuerait, les yeux songeurs, à tiédir les faces du roc par sa caresse. On chercherait à imprimer en son corps, modestement, sa trace. On serait tenté un instant de le dissimuler comme un talisman secret. Finalement, on oserait. On déciderait de continuer l’histoire.

On laisserait ses doutes, on quitterait ses certitudes, on irait vers l’aventure.

Et minutieusement, on veillerait à repérer le lieu idéal où poser, d’un geste léger, sa pierre, polie, adoucie, vivante, solide aussi.

Pas de guingois, pas guindée, pas serrée dans le rang, alignée simplement, au milieu de tant d’autres pierres, qui nous surprendraient par leur singularité. On offrirait son regard avec humilité, on tendrait très fort l’oreille. On goûterait longtemps le moment.

On n’oublierait pas que l’on peut bâtir quelque chose de beau, qui rend fier, qui grandit, avec les pierres les plus petites, les plus discrètes.

On voudrait ne pas en rester là, soudain conscient qu’en posant sa pierre, l’on contribue à bâtir un projet. On se rendrait compte du nombre de galets en travers du chemin, solitaires, cabossés, étouffés, rejetés, certains neufs aussi, naïfs encore. Et on se rappellerait la fragilité de l’isolé. On voudrait en devenir responsable et l’on se rappellerait que ce ne sont pas uniquement les pierres qui bâtissent une maison, un projet, mais bien les hôtes-artisans, ceux qui ouvrent leurs mains comme ceux qui les reçoivent.

On comprendrait que chacun d’entre nous est une petite rocaille dans l’ensemble, mais essentielle par elle-même pour compléter la beauté et la permanence d’un édifice, même s’il mue à chaque saison.

On se mettrait à croire dans l’engagement collectif pour un mieux vivre, rassemblant nos souffles, nos individualités, pour continuer à bâtir un Collège qui nous ressemble, ouvert aux nouveaux venus, riche de son vécu, vivant et solide, prêt à grandir.

On troquerait le mot professeur pour bâtisseur. Ce terme aurait quantité de synonymes : apprenant, parent, éducateur, directeur...

Et sur la pancarte, on inscrirait : « Bâtir ensemble nous rassemble ».

Belle rentrée à tous !

Pour Grains de Vie, Anne Verhaeren

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